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Méthode SAFe et contrats : checklist des points clés
30 octobre 2020

Scaled Agile Framework ou SAFe est un ensemble de principes et de pratiques mis en œuvre dans le cadre du déploiement de projets informatiques. Héritière des principes du Manifeste Agile, cette méthode permet de construire un projet informatique au fur et à mesure, en fonction des évolutions des besoins du client.

Comme nous avons exposé dans un article précédent, la souplesse est au cœur du fonctionnement de la méthode SAFe. Ainsi, il est essentiel de fixer un cadre contractuel adapté à cette méthode afin d’assurer la sécurité juridique des relations contractuelles entre les parties.

Comment documenter les évolutions ? Comment adapter les conditions financières ? Quelles modalités de collaboration entre les parties ? Quelle délimitation des responsabilités ? Quelle réversibilité ?

1. Expliquez la méthode, les objectifs et les prérequis dans le contrat

Dans un premier temps, il est recommandé d’exposer dans le contrat la méthode adoptée ainsi que les objectifs recherchés par les parties dans le cadre de son déploiement.

Des prérequis spécifiques à l’univers SAFe devraient également figurer dans le corps contractuel. Cela concerne notamment les exigences qui portent sur la certification SAFe ainsi que les qualifications et compétences des équipes du prestataire. Il est également recommandé d’émettre des prérequis sur la disponibilité des équipes afin d’assurer la continuité du projet.

2. Définissez les concepts spécifiques à la méthode SAFe

Une bonne maitrise des notions-clés de la méthode SAFe est essentielle pour la rédaction du contrat afin de donner le sens souhaité aux stipulations. A ce titre, il est préconisé de veiller à la définition des différents concepts conformément à la documentation SAFe.

3. Pensez aux outils contractuels classiques pour la documentation des évolutions

Dans le cadre d’un projet conduit selon la méthode SAFe, le livrable évolue au fil des « Itérations » du projet, à savoir des périodes de temps fixées entre les Évènements. Néanmoins, la nature évolutive du livrable ne fait pas obstacle à la mise en œuvre des outils contractuels classiques pour documenter les évolutions, notamment des fonctionnalités.

A ce titre, les Backlogs (Product Backlog et Program Backlog) pourraient être insérés dans les annexes du contrat. Etant précise que compte tenu de la souplesse de la méthode SAFe, il conviendrait d’adopter une méthode de gouvernance spécifique (validation des évolutions des Backlogs par des acteurs identifiés par exemple).

Par ailleurs, la convention de niveaux de services ou « Service Level Agreement » mise en place entre les parties afin de fixer les objectifs en termes de qualité et/ou de disponibilité de la solution informatique, assortis de pénalités, devra tenir compte des évolutions. Dans ce contexte, elle sera amenée à faire l’objet de modifications.

4. Encadrez les cycles de développement et les recettes itératives au moyen d’Évènements

L’approche évolutive de la méthode SAFe nécessite de prévoir des modalités contractuelles spécifiques au regard de la mise en œuvre des prestations.

A ce titre, il convient de noter que la documentation SAFe offre un certain nombre d’Évènements qui confèrent aux parties la possibilité d’encadrer les cycles de développement et les recettes itératives. Parmi ces Évènements, figurent notamment :

  • L’Évènement « Program Increment Planning» qui permet de planifier les Itérations et Incréments à venir et de fixer le contenu du « Program Backlog », à savoir une liste priorisée de fonctionnalités à développer,
  • L’Évènement « System Demo» qui a pour objet de mesurer l’avancement des développements,
  • L’Évènement « Inspect and Adapt» qui désigne, quant à lui, un atelier consistant dans la revue des fonctionnalités développées et la résolution des problèmes identifiés, permettant de matérialiser la phase de recette.

Dans ce contexte, il conviendra d’inclure la définition des Évènements dans le contrat et d’expliquer précisément comment ces derniers vont se dérouler (acteurs partie prenantes, organisation, durée, etc.).

5. Traduisez le caractère évolutif du projet dans les conditions financières

La documentation SAFe ne contient aucune préconisation quant aux conditions financières. Ainsi, les parties sont libres de conclure le contrat en régie ou au forfait. Étant précisé que la rémunération au forfait n’est pas incompatible avec la logique évolutive de la méthode SAFe. En effet, il pourrait être envisagé de faire évoluer le périmètre du projet sans augmenter le prix, en remplaçant certaines fonctionnalités non prioritaires par d’autres fonctionnalités plus essentielles au projet.

6. Mettez en place des modalités de collaboration adaptées à la méthode SAFe

La méthode SAFe met en exergue un certain nombre d’acteurs clefs impliqués dans le projet qui peuvent être membres du personnel du prestataire ou du client. Ainsi, la collaboration entre les parties demeure essentielle pour le déploiement d’un projet conforme à la méthode SAFe.

L’implication du client tout au long du projet met à sa charge l’obligation d’exprimer et d’affiner ses besoins au fil des Itérations. Toutefois, si les parties décident contractuellement de définir et/ ou de valider ensemble, par exemple lors d’Évènements, toute ou partie des spécifications fonctionnelles, la responsabilité relative à ces dernières et les engagements contractuels associés pourra être considérée comme collective en cas de dysfonctionnements (T. com. Nanterre, 4ème chambre, 24 juin 2016, MACIF c/ IGA Assurance).

Par ailleurs, l’obligation de conseil, d’information et de mise en garde du prestataire est renforcée, bien qu’il s’agisse d’une obligation de moyens. La cour d’appel de Paris a eu l’occasion de préciser que le prestataire ne peut être exonéré de sa responsabilité en se prévalant du co-pilotage du projet en mode Agile (i) en cas de manquement à son obligation de conseil et (ii) si le client n’a pas la capacité de se rendre compte que le projet ne peut pas arriver à son terme au prix initialement fixé (CA Paris, 3 juillet 2015, SET Environnement c/ Société française d’expertise informatique et de réalisation).

7. Déterminez les rôles et responsabilités des acteurs pour assurer la continuité de l’exécution des prestations

La méthode SAFe se réapproprie la logique RACI (Responsible, Accountable, Consulted et Informed). Cette dernière fait référence à une matrice de responsabilités attribuées à chaque intervenant dans le cadre d’un processus.

La documentation SAFe définit chaque acteur clef, ses missions et responsabilités, ainsi que les Evènements auxquels il participe. Elle détaille la durée des Itérations, la planification des Évènements et leur durée, ainsi que les rôles et les principes de collaboration entre les différents acteurs.

Néanmoins, cette documentation ne dispense pas les parties de préciser soigneusement les rôles et responsabilités des acteurs de SAFe dans le contrat. En effet, la désignation du personnel du prestataire ou du client à des postes clefs conformément à la méthode SAFe a pour objectif d’assurer la continuité de l’exécution des prestations.

8. Pensez aux liens entre les prestations pour déterminer les responsabilités des différents prestataires et anticiper la sortie du contrat

Plusieurs prestataires peuvent intervenir dans le cadre d’un projet SAFe pour réaliser des prestations différentes mais complémentaires. Comme pour les projets traditionnels, les principales difficultés concernent la détermination des responsabilités respectives des différents prestataires ainsi que la résiliation du contrat.

Par conséquent, il conviendra notamment de réfléchir à l’interdépendance des contrats et à ses éventuelles conséquences.

En outre, les garanties relatives à l’interopérabilité des logiciels fournis par les différents prestataires doivent être soigneusement définies dans chaque contrat.

9. Organisez le transfert des droits de propriété intellectuelle et les garanties associées

Les clauses sur la cession ou la licence des droits de propriété intellectuelle ainsi que la garantie d’éviction sont des clauses à fort enjeux dans tous les contrats informatiques, quelle que soit la méthode envisagée pour la réalisation du projet.

Néanmoins, en cas d’intervention de plusieurs prestataires pour des projets SAFe à grande échelle, il convient de veiller à la rédaction de ces clauses, notamment au regard de la superposition des droits de propriété intellectuelle. A cette occasion, il conviendra d’interroger les différents prestataires sur l’éventuel recours à des logiciel sous licence open source.

10. Déterminez le sort des données à la sortie du contrat au moyen d’une clause de réversibilité

La réversibilité devrait être organisée dès les négociations afin de permettre la continuité des prestations et la portabilité des données du client à la fin du contrat.

Cette clause pourrait particulièrement s’avérer utile en cas d’arrêt de la prestation ou de changement de prestataire lié aux besoins du client qui évoluent au fil du temps. En effet, il est fréquent de prévoir une résiliation anticipée du contrat pour atteinte d’objectifs du client dans le cadre d’un projet SAFe.

Il convient de donc de prévoir les principes applicables à la réversibilité, étant précisé que les éléments opérationnels pourront le cas échéant être définis au cours d’un Évènement.

Mathias Avocats vous accompagne dans le choix et l’encadrement contractuels de vos projets informatiques et dispense également des formations adaptées à vos besoins.