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Lutte anti-corruption : quel sera le nouveau cadre juridique européen ?
1 juin 2023

Lors de son discours sur l’état de l’Union de 2022, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, annonçait qu’en 2023 « la Commission proposera des mesures pour moderniser [le] cadre législatif [de l’Union Européenne] de lutte contre la corruption ».

Ainsi, la Commission a publié le 3 mai 2023 sa proposition de directive de lutte contre la corruption, modifiant la directive du 5 juillet 2017.

Selon la Commission, le cadre juridique actuel de l’Union européenne (UE) devrait évoluer afin de prendre en compte les nouvelles menaces en matière de corruption et les législations nationales des Etats membres. L’objectif est d’établir des sanctions harmonisées et appropriées, ainsi que de lever les obstacles à l’efficacité des enquêtes et des poursuites, tout en promouvant la prévention de la corruption.

Harmonisation des infractions de corruption et de leur sanction au niveau européen 

La proposition vise à harmoniser les définitions des infractions dans l’ensemble de l’UE. A ce titre, elle intègre dans le droit européen l’ensemble des infractions prévues par la Convention des Nations unies contre la corruption. Désormais, la liste des infractions de corruption comprendrait également le détournement, le trafic d’influence, l’abus de fonctions, l’obstruction à la justice et l’enrichissement illicite lié aux délits de corruption.

En outre, la proposition de directive regroupe pour la première fois, au niveau de l’UE, la corruption dans les secteurs public et privé dans un seul acte juridique.

La proposition prévoit également une obligation à la charge des Etats membres d’adopter des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives à l’encontre des auteurs d’infraction. Pour chaque catégorie d’infraction, la proposition fixe le niveau minimum de la peine maximale. Par exemple, le détournement, le trafic d’influence ou encore l’abus de fonctions devront être passibles d’une peine d’emprisonnement maximale d’au moins six ans.

En outre, la proposition de directive définit des circonstances aggravantes et atténuantes. A titre d’exemple, le fait pour l’auteur de l’infraction d’être un haut fonctionnaire constituerait une circonstance aggravante, tandis que l’aide apportée par l’auteur à l’engagement de poursuites contre d’autres auteurs constituerait une circonstance atténuante.  

Mesures destinées à accroitre l’efficacité des enquêtes et des poursuites

Afin d’accroitre l’efficacité de la lutte contre la corruption, la nouvelle directive imposera aux États membres d’adopter les mesures nécessaires pour que « les privilèges ou immunités en matière d’enquêtes et de poursuites accordés aux agents nationaux […] puissent être levés dans le cadre d’une procédure objective, impartiale, efficace et transparente ».

Par ailleurs, la proposition fixe la durée minimale des délais de prescription entre huit et quinze ans, en fonction de la gravité de l’infraction. L’objectif est d’accorder aux autorités nationales compétentes une durée suffisante pour rechercher, poursuivre et juger les infractions pénales.

Mesures de prévention des infractions de corruption

La Commission européenne met l’accent sur la prévention de la corruption et la création d’une culture de l’intégrité « dans laquelle la corruption n’est pas tolérée ». Ainsi, les Etats membres devront sensibiliser l’opinion publique par le biais de campagnes d’information et de sensibilisation et développer des programmes de recherche et éducatifs.

Les Etats membres devront également mettre en place des outils dits de prévention essentiels. Ces derniers comprennent, par exemple, la mise en place des règles efficaces en matière de divulgation et de gestion des conflits d’intérêts dans le secteur public.

Règles relatives à la compétence des Etats membres

La nouvelle directive vise à permettre aux autorités nationales d’enquêter et d’engager des poursuites dans « un éventail suffisamment large de cas » en raison de « la mobilité des auteurs d’infractions et des produits tirés d’activités criminelles, ainsi que de la complexité des enquêtes transfrontières nécessaires ».

Ainsi, la proposition de la Commission prévoit qu’un État membre définisse sa compétence à l’égard des infractions de corruption dans les cas où :

  • l’infraction a été commise, en tout ou en partie, sur son territoire ;
  • l’auteur de l’infraction est un ressortissant de cet État membre ou a sa résidence habituelle dans cet État membre ;
  • l’infraction a été commise au profit d’une personne morale établie sur son territoire.

Quid de la lutte anti-corruption en dehors de l’UE ?

La corruption constitue une priorité tant nationale qu’internationale. De nombreuses stratégies nationales de lutte contre la corruption accordant une place à la corruption transnationale sont apparues ces dernières années, telles que la stratégie anti-corruption du Royaume-Uni ou encore le mémorandum du Président des Etats-Unis sur la lutte contre la corruption et la sécurité nationale.

Ainsi, les entreprises françaises ayant une activité à l’étranger devront également respecter le cadre juridique des Etats dans lesquels elles développent leurs activités. Il convient de noter que certaines législations ont une portée extraterritoriale. C’est notamment le cas de la législation américaine, le Foreign Corrupt Practices Act, et de la législation britannique, le United Kingdom Bribery Act.

Afin de guider les entreprises françaises, l’Agence française Anticorruption (AFA) a réalisé une étude comparative de différents dispositifs anti-corruption. Les dispositifs français, britannique, américain et les lignes directrices de la Banque mondiale ont été comparés. L’objectif est de permettre aux entreprises françaises de développer un dispositif de prévention efficace afin de limiter les risques d’exposition à la corruption.

A noter également que l’AFA a publié en mars 2023, conjointement avec le Parquet National Financier (PNF), un guide pratique des enquêtes internes anti-corruption à destination des entreprises. Et en mai 2023 un Recueil de fiches pratiques indiquant les indices de mesure de l’exposition d’une zone géographique au risque de corruption. Ce faisant, l’AFA aide les entreprises à évaluer le risque de corruption généré par leur développement à l’étranger.