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Messagerie instantanée au travail et secret des correspondances
3 janvier 2020

Par un arrêt du 23 octobre 2019, la chambre sociale de la Cour de cassation a énoncé que les messages envoyés par une salariée au moyen d’une messagerie instantanée distincte de la messagerie professionnelle sont couverts par le secret des correspondances. En conséquence, l’employeur ne pouvait pas en faire état pour justifier le licenciement de ladite salariée (Cass. soc., 23 octobre 2019, n°17-28448).

Rappel des faits

En l’espèce, une salariée avait échangé, au moyen de sa messagerie instantanée, des informations concernant la vie privée d’un dirigeant avec une collègue de travail. Etant précisé que l’application de messagerie instantanée était installée sur l’ordinateur professionnel de la salariée.

La salariée avait alors été licenciée pour faute grave en 2006, à l’appui des messages instantanés auxquels l’employeur avait accédé hors de la présence de la salariée et sans solliciter l’autorisation préalable de cette dernière ou de sa collègue.

Dans un arrêt du 28 septembre 2017, la Cour d’appel de Paris avait retenu le caractère abusif du licenciement et condamné l’employeur au paiement de diverses sommes à la salariée dont 35 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et 1 000€ à titre de dommages et intérêts pour atteinte à la correspondance privée. Pour ce faire, la Cour d’appel avait écarté les messages instantanés des débats en considérant qu’ils étaient issus d’un compte de messagerie utilisé par la salariée à titre personnel et que ledit compte était distinct de la messagerie professionnelle mise à sa disposition par son employeur.

L’employeur avait alors formé un pourvoi en cassation en se prévalant :

  • D’une part, de la présomption de caractère professionnel des correspondances adressées par un salarié à partir d’un outil informatique mis à sa disposition par l’employeur dans le cadre de ses fonctions.
  • D’autre part, que la présence de contenu personnel au salarié dans la messagerie instantanée installée sur le poste de travail ne suffirait pas à faire obstacle à la présomption précitée.

Position de la Cour de cassation

Le pourvoi formé par l’employeur est rejeté par la Cour de cassation.

Il résulte de l’arrêt rendu par la chambre sociale que :

« les messages électroniques litigieux, échangés au moyen d’une messagerie instantanée, provenaient d’une boîte à lettre électronique personnelle distincte de la messagerie professionnelle dont la salariée disposait pour les besoins de son activité ».

Dans ce contexte, la Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel en indiquant que cette dernière a « exactement déduit » que les messages litigieux étaient couverts par le secret des correspondances.

Que faut-il retenir ?

Les employeurs doivent faire preuve d’une attention toute particulière lorsqu’ils entendent utiliser des correspondances émises ou reçues par un salarié dans le cadre d’une procédure de licenciement.

En effet, il existe bien une présomption de caractère professionnel de l’usage des outils mis à la disposition des collaborateurs par l’employeur. Toutefois, la Cour de cassation rappelle quelles en sont les limites.

Ainsi, cette présomption ne peut pas être opposée aux collaborateurs si les correspondances émanent d’une messagerie instantanée utilisée à titre personnel par le salarié même si ladite messagerie est installée sur un poste de travail professionnel.

Enfin, une révision des chartes informatiques pourrait être rendue nécessaire à la lumière de cet arrêt. Plus spécifiquement, il conviendrait de veiller aux dispositions relatives aux conditions dans lesquelles les outils informatiques peuvent être utilisés à titre personnel.