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Logiciel & salarié : qui détient les droits d’auteur ?
9 septembre 2016

« L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. ». Le Code de la Propriété Intellectuelle (article L111-1) est clair sur le principe : l’auteur d’une œuvre d’esprit – livre, tableau, musique, etc. – est propriétaire de droits moraux et patrimoniaux sur cette œuvre. Cependant, le logiciel connait un cadre juridique spécifique. A qui appartiennent les droits sur les logiciels créés en entreprise ? Quels sont les droits des salariés sur ces logiciels ?

Bref rappel sur le droit d’auteur en général

Une œuvre de l’esprit est toujours protégée par le droit d’auteur. Le titulaire des droits d’auteur sur une œuvre est son auteur, personne physique, en d’autres termes celui qui a réalisé la création.

Cette protection ne s’applique que si l’œuvre est originale : l’œuvre peut être distinguée d’autres créations, grâce à un apport intellectuel et à un effort personnalisé de son auteur. Appliqué au logiciel, ce dernier doit présenter une structure individualisée, au-delà d’une simple logique automatique.

Un logiciel est une œuvre de l’esprit. Ainsi, si ce principe est appliqué, un salarié, comme toute autre personne, ayant créé un logiciel, devrait être titulaire des droits d’auteur. La réalité juridique est cependant différente.

Le cas particulier des logiciels créés par un salarié

Lorsqu’un logiciel est développé par un salarié de l’entreprise, le Code de la Propriété Intellectuelle prévoit une exception : c’est l’employeur, personne morale, qui devient titulaire des droits d’auteur. En effet, l’article 113-9 dispose que « les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions de leurs employeurs sont dévolus à l’employeur qui est seul habilité à les exercer », sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires.

Cette exception ne s’applique que sous certaines conditions :

  • La personne ayant réalisé le logiciel est effectivement salariée de l’entreprise ;
  • Le logiciel a été réalisé durant les heures de travail du salarié, dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions de l’employeur (à sa demande)

Cet article ne s’applique donc pas pour les stagiaires, intérimaires, consultants, prestataires extérieurs, etc. ou les salariés agissant pour leur compte.

Lorsque l’on parle de droits d’auteur, il est nécessaire de distinguer deux types de droit : le droit moral, qui ne peut être cédé par l’auteur, et les droits patrimoniaux, dont est titulaire l’employeur.

Le droit moral

Le droit moral est composé de quatre attributs :

  • Le droit de divulgation, qui confère à l’auteur la liberté de décider seul du moment de la communication de son œuvre, ainsi que du droit à s’opposer à sa divulgation ;
  • Le droit de paternité, qui confère au titulaire le droit de se faire connaitre publiquement en sa qualité d’auteur de l’œuvre ;
  • Le droit au respect et à l’intégrité de l’œuvre, en vertu duquel l’auteur peut s’opposer à toute modification ou correction de l’œuvre ;
  • Le droit de retrait et de repentir, qui reconnaît le droit à l’auteur de modifier son œuvre (droit de repentir) ou de la soustraire à l’exploitation.

Ces droits sont en principe perpétuels, c’est-à-dire indéfiniment transmissible aux héritiers, et ne peuvent faire l’objet d’aucune cession. Le salarié bénéficie donc de ces droits.

Cependant, les auteurs de logiciels voient leur droit moral diminué par l’article L121-7 du Code de la Propriété Intellectuelle : ils ne peuvent se prévaloir du droit au respect de l’œuvre, ni du droit de retrait et de repentir.

logiciel

L’auteur d’un logiciel peut donc exiger de l’employeur que son nom apparaisse lors de la commercialisation du logiciel, mais ne peut s’opposer à des améliorations.


Les droits patrimoniaux

Lorsqu’un salarié crée un logiciel selon les conditions de l’article 113-9 du Code de la Propriété Intellectuelle, seuls les droits patrimoniaux sont cédés à l’employeur. Les droits patrimoniaux confèrent notamment des droits pécuniaires au titulaire, tels que :

Ces droits sont donc cessibles, et sont temporaires. En effet, ils ne durent que 70 ans à compter de la mort de l’auteur (alors que le droit moral est perpétuel). Au terme de ce délai, le logiciel tombe dans le domaine public, et peut être utilisé par tous sans autorisation nécessaire.

L’aménagement contractuel

Selon que l’on soit employeur ou salarié, les intérêts divergent. Même si la loi prévoit ce cas particulier de la création de logiciels par les salariés, le risque de conflit n’est pas négligeable. Nous ne pouvons donc que conseiller d’anticiper contractuellement les créations de telles œuvres, dans le contrat de travail notamment, et dans la fiche de poste.

Mathias Avocats se tient à votre disposition pour vous conseiller dans la gestion de vos droits de propriété intellectuelle ainsi que dans les relations employeur-salarié.