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Contrat informatique : refus du client de collaborer avec le prestataire, quelle sanction ?
26 octobre 2022

L’obligation de collaboration du client avec son prestataire est le corollaire direct de l’obligation de conseil à la charge de ce dernier. Elle émane du principe d’exécution de bonne foi des contrats établi à l’article 1104 du Code civil.

Son application est importante en cas de dysfonctionnements de la solution ou de l’applicatif : comment, en effet, le prestataire peut-il raisonnablement travailler à la résolution de ces bugs sans la coopération de son client qui y est confronté ?

Dans un arrêt du 11 octobre 2022, la Cour d’appel de Rennes tire les conséquences de cette obligation de coopération. Elle en déduit qu’un client refusant l’offre de son prestataire d’investiguer et de résoudre les dysfonctionnements ne saurait par la suite exiger la résolution ou la résiliation du contrat en raison de ces derniers.

prestataire

Quels sont les faits ?

En l’espèce, une société de boulangerie-pâtisserie avait conclu en 2015 un contrat avec un prestataire de services informatiques pour la fourniture d’un site Internet de vente en ligne.  

Le prestataire était chargé du référencement et de la maintenance du site web. En revanche, ce dernier  demeurait quotidiennement administré par la boulangerie. Cette dernière louait également auprès d’une autre société le matériel nécessaire à l’exploitation du site internet.

Le prestataire de maintenance a par la suite été placé en liquidation judiciaire et absorbé par une autre société, le contrat susmentionné étant ainsi repris par le cessionnaire.  Toutefois, le jour de cette cession, l’avocat de la boulangerie avait adressé au prestataire initial une lettre faisant état de dysfonctionnements du site, qui indiquerait depuis plusieurs semaines la mention « notre boutique en ligne est momentanément indisponible ; n’hésitez pas à repasser un peu plus tard ».

Cette lettre avait par la suite été transmise au repreneur du contrat, titulaire des obligations du prestataire de maintenance. Dans sa réponse, ce dernier avait expliqué qu’une telle mention ne pouvait résulter que d’une manipulation de la part du client, en charge de l’administration de son site web. Il indiquait par ailleurs qu’il avait immédiatement tenté de joindre la boulangerie-pâtisserie pour résoudre le problème. Cette dernière s’est toutefois limitée à renvoyer le prestataire informatique vers son avocat. Dans ce contexte, le prestataire avait invité sa cliente à le contacter afin de « vérifier ensemble la bonne compréhension du fonctionnement de la solution (activation de la boutique, mise à jour produits, actions commerciales … autres) ».

Sans répondre à cette invitation à rechercher une solution aux dysfonctionnements, la société cliente a assigné le 20 octobre 2018 son prestataire de maintenance en résolution du contrat. Elle assignait également la société qui avait fourni le matériel nécessaire à l’exploitation du site Internet afin d’obtenir le remboursement des loyers versés.

Dans un jugement du 21 novembre 2019, le tribunal de commerce de Rennes a prononcé la résolution du contrat de prestations et condamné le loueur de matériel au remboursement de certains loyers. Ledit loueur a interjeté appel de ce jugement. Également partie à l’instance d’appel, le prestataire demande dans ses conclusions que soit infirmée la résolution judiciaire du contrat ; au soutien de ces prétentions, il invoque que la cliente n’a pas apporté la preuve d’un quelconque manquement à ses obligations contractuelles, héritées du précédent prestataire lors de la cession de la société.

La sanction du manquement à l’obligation de collaboration du client par la Cour d’appel

La Cour d’appel de Rennes accueille favorablement l’argumentation développée par les prestataires de la société cliente et infirme le jugement de première instance prononçant la résolution du Contrat.

La Cour précise que les obligations du prestataire de maintenance ne pouvaient prendre effet qu’à compter de la cession du contrat, matérialisée par le jugement du tribunal de Commerce de Lyon.

Surtout, les juges de la Cour d’appel relèvent que les dysfonctionnements du site Internet notifiés le jour même de ce jugement par la société cliente ne sauraient justifier la résolution ou la résiliation du contrat. En effet, la Cour reproche à la boulangerie de s’être opposée aux offres de son prestataire de remédier au problème.

Elle retient que :

« En s’abstenant (…) de rechercher une solution technique avec son co-contractant, elle [la société cliente] s’est interdit de démontrer que le grief allégué existe, est pérenne, et interdit toute poursuite du contrat.

Dès lors, ni la résolution ni la résiliation du contrat ne sont justifiées et la société [cliente] doit être déboutée de l’ensemble de ses demandes (…). »

Cour d’appel de Rennes, arrêt du 11 octobre 2022

Que retenir ?

Les juges sanctionnent le non-respect par le client de son obligation de collaborer avec le prestataire à la résolution des problèmes qu’il invoque.

Cette décision est bienvenue : un client ne saurait en effet prétendre que l’exécution du contrat est devenue impossible, et exiger qu’il soit résilié ou résolu par la voie judiciaire, alors que cette impossibilité est directement causée par son choix unilatéral d’empêcher son cocontractant de résoudre les dysfonctionnements. Une telle posture dénote en effet de manière flagrante avec l’obligation d’exécuter de bonne foi les contrats conclus, socle de l’obligation de collaboration du client.

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