Un accord provisoire sur le futur règlement dit Digital Services Act est intervenu le 23 avril 2022 entre le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen. Proposé par la Commission européenne fin 2020, ce texte remplacera la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique encadrant notamment les contenus illicites en ligne.
Ce texte constitue l’un des deux volets d’un paquet législatif visant à réformer l’espace numérique. A noter que le second volet, le Digital Markets Act, porte sur la régulation des comportements économiques des plateformes dans les marchés numériques. Il a également fait l’objet d’un accord provisoire en date du 24 mars 2022.
Quels sont les contenus visés par le Digital Services Act ? Comment ce dernier vise-t-il à modifier le cadre juridique existant ? Quels sont les nouveaux acteurs concernés par cette révision ?
Qu’est-ce qu’un contenu illicite ?
Les contenus illicites sont définis comme tout contenu qui n’est pas conforme au droit de l’Union européenne (UE) ou au droit national d’un Etat membre (article 2, g). En d’autres termes, le futur règlement ne définit pas ce qui est illicite, mais renvoie aux lois et réglementations européennes et nationales.
Rappelons que la directive du 8 juin 2000 ne définissait pas non plus la notion de contenus illicites.
Quels seront les acteurs concernés par les nouvelles règles ?
Le texte vise à s’appliquer à tout fournisseur de services intermédiaires, qu’il soit établi ou non dans l’UE, dès lors que les destinataires de ces services sont établis ou résident dans l’UE.
Le texte maintient les qualifications de fournisseurs des services intermédiaires telles que prévues par la directive du 8 juin 2000, à savoir les fournisseurs d’accès au réseau et de transmission de données, les opérateurs de caching et les hébergeurs.
En revanche, le Digital Services Act introduit de nouvelles qualifications : les plateformes, les moteurs de recherche et les places de marché en ligne.
Concernant les plateformes, elles sont définies comme des fournisseurs de services d’hébergement qui, à la demande du destinataire du service, stockent et diffusent les contenus à un nombre potentiellement illimité de tiers (article 2, h). Ainsi, à la différence des hébergeurs, ces acteurs permettent également la diffusion des contenus.
A noter que le futur règlement fait une distinction entre les plateformes et les « très grandes » plateformes. Ces dernières sont celles qui dépassent le seuil de 45 millions d’utilisateurs par mois, étant précisé que ledit seuil fera l’objet d’une réévaluation tous les six mois. En effet, en sus d’un socle de règles communes applicables à toute plateforme, le futur règlement prévoit un cadre juridique plus renforcé pour les « très grandes » plateformes.
Il convient de rappeler que sous l’empire de la directive du 8 juin 2000, les plateformes ont été qualifiées d’hébergeurs à plusieurs reprises par les juridictions. Par conséquent, elles bénéficient à l’heure actuelle d’un régime de responsabilité allégé prévu par ladite directive. Ainsi ces acteurs sont responsables au regard des contenus publiés que s’ils ont la connaissance effective de leur caractère illicite ou s’ils n’ont pas agi promptement pour les retirer ou en rendre l’accès impossible alors qu’ils en avaient connaissance.
Un nouveau régime de responsabilité est-il prévu ?
Le règlement n’introduit pas un nouveau régime de responsabilité. Comme les hébergeurs, les plateformes demeureront soumises au régime de responsabilité allégé prévu par la directive du 8 juin 2000. Est également maintenu le principe d’interdiction d’imposer une obligation de surveillance généralisée aux hébergeurs, y compris les plateformes.
Toutefois, par rapport aux hébergeurs, les plateformes auront des obligations supplémentaires qui pourront varier en fonction de leur taille.
En outre, à la différence de la directive du 8 juin 2000, le futur règlement précise que les systèmes de modération de contenus volontairement mis en place par les fournisseurs de services intermédiaires (hébergeurs, plateformes, etc.) ne remettent pas en cause le bénéfice du régime de responsabilité allégé prévu par la proposition.
Qu’en est-il des nouvelles obligations prévues à la charge des plateformes ? Quelles sont les nouvelles règles proposées pour responsabiliser ces acteurs ? Mathias Avocats consacre un article dédié à ces questions.