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Le lanceur d’alerte salarié : quelles actualités ?
27 mars 2023

Lorsqu’un lanceur d’alerte salarié fait l’objet d’un licenciement en représailles d’un signalement, il peut saisir le juge des référés afin de demander sa réintégration.

Pour signaler un crime ou un délit, le lanceur d’alerte n’a pas à suivre la procédure graduée et peut directement recourir à la procédure externe.

Tels sont les enseignements issus de deux décisions prononcées par la Cour de cassation en février 2023 sur le fondement de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II.

Bien que portant sur des faits antérieurs, ces solutions sont cohérentes avec les dispositions de la loi Waserman n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte. Ainsi, la Cour de cassation semble avoir aligné son interprétation de la loi Sapin II sur les dispositions de la loi Waserman.

Lanceur d'alerte salarié

Quelle protection des lanceurs d’alerte contre les représailles ?

Pour rappel, la loi Sapin II prévoit au bénéfice des lanceurs d’alerte une protection contre des mesures de représailles, à la fois par le biais de sanctions lourdes (article 13 de la loi Sapin II) et de règles probatoires et garanties procédurales spécifiques (article 10-1 de la loi Sapin II).

En effet, un employeur ne peut prendre aucune mesure défavorable au salarié lanceur d’alerte, telle qu’un licenciement, une suspension, ou une autre mesure disciplinaire. Le lanceur d’alerte est également protégé contre le harcèlement et la discrimination.

De plus, lorsqu’il saisit le juge, le lanceur d’alerte bénéficie d’un aménagement de la charge de la preuve. Il lui suffit d’apporter des éléments permettant de supposer que le signalement a été fait dans le respect des règles posées par Sapin II (article 6 de la loi Sapin II). L’employeur devra alors prouver que la mesure qu’il a prise est justifiée par des éléments autres que l’alerte. Dans le cas du licenciement, celui-ci devra donc être justifié par un motif économique ou un motif personnel sans lien avec l’alerte.

  • Quelle compétence du juge des référés en cas de licenciement du lanceur d’alerte ?

Dans l’arrêt du 1er février 2023 (n° 21-24.271) la Cour de Cassation précise que dès lors que la qualité de lanceur d’alerte est établie, le juge des référés ne peut décliner sa compétence.

En outre, la Cour s’appuie sur l’article L. 1132-4 du code du travail prévoyant la nullité des mesures de représailles à l’encontre du lanceur d’alerte pour préciser que l’examen du caractère réel et sérieux du licenciement incombe au juge des référés.

Il lui incombe donc de rechercher si l’employeur a bien rapporté la preuve que sa décision de licencier le lanceur d’alerte était justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé.

Or, la loi Waserman a renforcé les garanties procédurales en cas de contestation des mesures de représailles et a expressément prévu qu’en cas de rupture du contrat de travail à la suite d’un signalement, le salarié peut saisir la formation des référés du conseil de prud’hommes (Art. 12 I de la loi du 9 décembre 2016, modifié par la loi du 21 mars 2022). Ainsi, que ce soit pour des faits antérieurs à l’application de la loi Waserman, que pour des faits postérieurs, en cas de rupture de contrat de travail à la suite d’un signalement, le juge des référés peut être saisi par le salarié lanceur d’alerte

  • Quelles conséquences en pratique ?

Le recours du salarié peut conduire à sa réintégration, ainsi qu’à la condamnation de l’employeur à payer les salaires dus entre la date d’éviction et la date de réintégration effective.

Possibilité de recourir directement à la procédure externe pour un signalement de crime ou de délit

Dans sa version initiale, sauf exceptions, la loi Sapin II prévoyait que le lanceur d’alerte devait suivre une certaine procédure afin d’effectuer un signalement :

  • Le lanceur d’alerte devait adresser son signalement interne au sein de son entreprise ou de son administration,
  • Ensuite, en cas d’absence de diligences appropriées, il pouvait adresser un signalement externe à l’autorité judiciaire ou administrative,
  • Enfin, et uniquement en dernier ressort, il était autorisé à rendre publiques les informations dont il disposait.

Dans son arrêt du 15 février 2023 (n°21-20-342), la Cour de cassation précise cependant que cette procédure d’alerte graduée n’a pas à être suivie par le lanceur d’alerte lorsqu’il entend signaler un crime ou un délit.

La loi Sapin II a également supprimé la hiérarchie entre les canaux de signalement interne et externe. Le lanceur d’alerte peut donc désormais décider de procéder directement à un signalement externe, sans signalement interne préalable.

Il convient de préciser cependant que la possibilité de rendre publiques les informations reste limitée à certaines situations (article 8 de la loi Sapin II).

Par ces deux arrêts, la Cour de cassation dresse donc un régime protecteur des lanceurs d’alerte salariés.