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Photo de Shanghai, technologies et vie privée
3 janvier 2019

Une photographie agite la toile depuis quelques jours. Baptisée « l’incroyable photo de Shanghai », il s’agit d’une vue panoramique de la ville prise en haut d’un gratte-ciel en ultra-haute résolution après assemblage de milliers d’images. A l’origine de cette photographie se trouve la société Big Pixel. En zoomant, l’internaute peut distinguer de nombreux détails, notamment les visages de passants en contrebas ou encore les plaques d’immatriculation des voitures.

Cette prouesse technologique impressionne autant qu’elle interroge. Face à un tel degré de détail, comment articuler l’innovation technologique et la protection des droits et libertés fondamentaux des individus ?

Droit à la vie privée, droit à l’image, et droit à la protection des données : brefs rappels

Le droit à la vie privée est un droit fondamental. En France, il est protégé notamment par l’article 9 du Code civil, en vertu duquel « chacun a droit au respect de sa vie privée ». De ce droit en découlent d’autres, dont le droit à l’image.

Ce droit permet à tout individu de bénéficier d’un droit exclusif sur son image et sur l’utilisation qui en est faite. A ce titre, un individu peut notamment s’opposer à être pris en photo sans son autorisation, ou à ce que son image soit diffusée.

Cependant, le droit à l’image n’est pas absolu. Des exceptions peuvent être invoquées comme le droit à l’information du public. Il revient au juge d’évaluer et d’apprécier souverainement au cas par cas, si le droit à l’image prévaut ou non dans ces cas de figure.

De plus, rappelons que l’image des personnes est considérée comme une donnée à caractère personnel : le règlement général sur la protection des données (ou RGPD) pourrait trouver à s’appliquer. En outre, en cas d’association de l’image et d’une technologie comme la reconnaissance faciale, des garanties supplémentaires devraient être mises en oeuvre.

Maître Garance Mathias a abordé cette question pour CNEWS :  https://www.dailymotion.com/video/x6zyq4l

Quelle protection en France ?

Et si demain, Big Pixel prenait une photographie similaire à la photo de Shanghai, mais en France ?

Il n’y a droit à l’image que si l’individu est reconnaissable, comme l’a indiqué la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 9 avril 2014. Sur la photo de Shanghai, cela est le cas et c’est bien là la prouesse. Il en découle qu’en France, chaque personne reconnaissable sur la photo pourrait s’opposer à la diffusion de son image. A charge alors pour Big Pixel d’invoquer une exception au droit à l’image, comme par exemple la réalisation d’une démarche artistique.

Ce n’est pas la première fois que cette question se pose. Pour répondre aux demandes des autorités de contrôle européennes avant le lancement de son service « Street View », la société Google a notamment mis au point un système automatisé de floutage des visages et des plaques minéralogiques, afin de respecter le droit à l’image et à la vie privée des personnes. Il est de plus possible pour un individu dont l’image est accessible sur Street View de la signaler et d’en demander le floutage, comme le rappelle la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL).

En tout état de cause, les mesures protectrices des droits des personnes devront être définies au cas par cas. A titre d’illustration, le floutage a pu s’avérer insuffisant dans ce type d’hypothèse par le passé. En effet, au Canada, une personne a pu obtenir réparation du préjudice subi dans la mesure où elle était reconnaissable malgré le floutage de son visage.

Les risques en matière de surveillance de masse

L’une des inquiétudes récurrentes évoquées par rapport à l’incroyable photo de Shanghai, c’est le risque de dérives que la technologie mise en œuvre présente.

En combinant cette capacité à prendre de très loin des photographies panoramiques en très haute résolution avec des méthodes automatisées de reconnaissance faciale, il serait en effet possible de mettre en place des pratiques de surveillance de masse de nature à porter atteinte à la vie privée des individus de manière disproportionnée.

Maître Garance Mathias a évoqué le sujet au journal télévisé de France 2 :  https://embedftv-a.akamaihd.net/234597658ac17c51afc71a167155a854