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Méthode « Agile » et relation commerciale
5 août 2016

La méthode « Agile » est largement répandue au sein des sociétés évoluant dans le secteur de l’informatique. Elle repose sur un cycle de développement par étapes qui consiste à fixer des objectifs à court terme. Les détails de l’intégralité du projet ne sont donc pas spécifiés avant le début des développements. Une fois l’objectif atteint, les développements se succèdent et ce, jusqu’à l’achèvement du projet.

Cette méthode est souvent regardée comme attractive pour le client. Ces étapes de co-construction se caractériseraient par leur flexibilité et leur adaptation constante aux besoins du client.

Dans le cadre du développement d’un logiciel selon la méthode « Agile », le prestataire peut-il se prévaloir d’une relation commerciale établie avec le client ?

Le cas échéant, peut-il invoquer la rupture brutale de sa relation commerciale sur le fondement de l’article L.442-6-1, 5° du Code de commerce ?

Cet article est l’occasion de revenir sur les enseignements à tirer du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 9 mars 2015. En substance, en cas d’arrêt par le client d’un projet de développement de logiciel selon la méthode « Agile », le Tribunal a jugé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer la sanction attachée à la rupture brutale des relations commerciales au bénéfice du prestataire (T. com., Paris, 9 mars 2015).

Méthode Agile, obstacle à la notion de relation commerciale établie ?

La société Lucas Meyer Cosmetics (offrant des services de cosmétovigilance pour l’industrie cosmétique) avait confié, en 2009, à la société Marty Soft conception, prestataire informatique, le développement de deux logiciels selon la méthode « Agile ». Le premier logiciel a été livré et a été exploité par le client. Courant 2012, alors que le second logiciel était toujours en  phase de tests, le client a souhaité mettre un terme au projet.

Le prestataire informatique s’est vu refusé le paiement d’une facture relative au développement de l’un des deux logiciels par le client. Le prestataire a alors assigné son client devant le Tribunal de commerce aux fins de le voir condamner au paiement :

  • de la facture impayée et,
  • de dommages et intérêts au titre de la rupture brutale de la relation commerciale.

Le Tribunal condamne le client au paiement de la facture impayée mais rejette la demande de dommages et intérêts par la formule suivante :

« pour être qualifiée d’établie au sens de l’article L,442·6 1 5° du code de commerce, une relation commerciale doit revêtir, avant la rupture, un caractère suivi, stable et habituel, permettant à la partie victime de l’interruption d’anticiper raisonnablement pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial (…) ».

Dans le cadre du développement de solutions selon la méthode « Agile », le prestataire est placé dans une situation de précarité. La poursuite de la relation est subordonnée à la validation des développements par le client. Ainsi, le prestataire est soumis à un aléa qui, selon les juges, peut constituer un obstacle au caractère établi de la relation.

Les conséquences à tirer de ce jugement doivent cependant être mesurées. En effet, nous ne pouvons déduire de ce cas d’espèce que le recours à la méthode « Agile » exclut systématiquement la reconnaissance d’une relation commerciale établie.

Propriété des codes sources et absence de contrat

Le jugement du Tribunal de commerce est également intéressant du point de vue des droits de propriété intellectuelle portant sur les codes sources des logiciels développés, dont le client demandait la transmission. Ce jugement rappelle combien l’absence de contrat peut être préjudiciable au client.

AgileEn effet, les juges retiennent « qu’aucun contrat entre les parties ne précise si les sources des programmes sont comprises dans le prix de la prestation réalisée par la société MARTY SOFT ». Ainsi, par principe, en l’absence de stipulations contractuelles, les codes sources demeurent la propriété du prestataire.

Nous ne pouvons qu’insister sur l’importance d’encadrer contractuellement les relations entre deux parties. De cette manière, les questions relatives à la propriété des codes sources pourront notamment être réglées.

Mathias Avocats accompagne ses clients dans la rédaction de contrats informatiques et dispense également des formations adaptées à chacun sur ce sujet.